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Le Murmureur

Je l’ai volé à la mer, le Murmureur. Et sans que je sache pourquoi, mon cœur me souffla de le coller contre moi. Le Murmureur s’est réfugié à mon oreille, chuchotant des souvenirs que je n’ai jamais vécus. Les rires des marins, le fracas des tempêtes, le chant des baleines, les promesses d’amour éternel, les échos d’un passé perdu dans la brutalité de la houle. Des paroles brisées, des souvenirs éclatés, le son étouffé d’une viole de pirate, tout ça enfoui dans le cœur du murmureur.

Il me parle tout bas, sa voix me souffle ces trésors enfouis. Je le garde à mon oreille, incapable de le laisser se taire. Il me répète les chuchotements de vents lointains venus du au pays des cigales ou des contrées aux glaciers. Le Murmureur me parle des navires partis sans retour, des poètes qui lui crièrent leur amour, avant de laisser tomber leurs plumes au fond de l’océan.

Je devine enfin les voiles déchirées par le vent, les cris engloutis des noyés, les chants corrodés des sirènes odysséennes qui me supplient de laisser ces souvenirs m’emporter. Le murmureur me crache les secrets gardés trop longtemps et les récits des légendes oubliées. Il est le témoin de l’océan, il porte avec lui ces souvenirs évanouis, qu’il me répète, inlassablement, et je le laisse nourrir mon cœur d’aventurière.

A mes Fantômes,

 

Dans le ciel, les étoiles sont froides et lointaines. Mes paupières s’alourdissent quand les bras osseux de l’inconnu me saisissent dans la brume épaisse qui me réclame chaque nuit.

Un ciel artificiel imite celui qui s’étend sous mes pieds, éclairant le théâtre de mes idées refoulées. Des formes et des visages familiers se dessinent, encore et encore, mais je ne peux pas les reconnaître. Mon cœur, lui, y arrive pourtant.

L’anatomie de ces corps n’appartient à personne. Ces chimères se construisent selon les bribes de ma mémoire. Les tableaux s’enchaînent et m’ensorcellent, et, enfin, je vois la tempête sévir.

Elle est splendide.

Sans m’en rendre compte, on m’arrache, cette nuit encore, à ce monde inquiétant qui, pourtant, ressemble tant à la couleur de mon âme. Les bras osseux me ramènent à la vie, une fois de plus, sous ce ciel que je retrouverai la prochaine fois que le soleil disparaîtra.

- PROFANES -

©2025 Lea Stosskopf

        MADE IN ALSACE, FRANCE 

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